Les survivants du passé
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D'un passé rempli de blessures à l'atteinte du pardon qui guérit et qui fait grandir ...
Photographie de Lee à 18 mois
Photographie de Lee à 2 ans
Photographie prise en 1957, j'avais 18 mois.
Je suis sur mon tricycle et à mes côtés, on retrouve 
ma soeur et mon frère aînés.
Photographie prise en 1958, j'avais 2 ans.
Je suis avec mon ourson et à mes côtés, 
ma soeur âgée de 4 ans et mon frère de 7 ans.
Photographie de Lee à 2 ans
Photographie de Lee à 3 ans
Photographie prise en 1958, j'avais 2 ans.
À mes côtés, ma soeur âgée de 4 ans et mon frère de 7 ans.
Photographie prise en 1959.
Je vous présente ma mère. J'avais environ 2-1/2 ans.
Photographie de Famille
Décès de mon père en 1965.
Photographie prise en 1961. Je vous présente mon père. De gauche à droite, mon frère Daniel, moi-même, mon frère (le plus vieux de la famille) et ma soeur aînée.
Photographie prise lors du décès de mon père en 1965.
De gauche à droite, vous retrouvez mon frère âgé de 14 ans, ma soeur âgée de 11 ans et j'avais 9 ans.

 

Mère, en ce 13 avril 2001, pour obtenir la Paix et la Libération de mon cœur, je prends le temps de vous écrire cette lettre. À sa lecture, vous y trouverez un message étonnant basé sur deux ans de travail constant et volontaire. Je vous offre dans les lignes qui suivent mon Pardon d’enfant présenté en toute humilité, dans mes chaussures de femme.

À l’aube de mes 45 ans, laissez-moi vous jouer un thème inconnu sur les cordes de mon violon brisé. Écoutez le son de ma tristesse se transformer positivement en une danse où le bonheur sera mon partenaire de Vie. Il me fait plaisir de vous annoncer que j'ai fait un long pèlerinage intérieur pour découvrir un pardon qui guérit et fait grandir. 

Pour arriver à cet objectif, j'ai marché au travers plusieurs étapes. Et pour mieux comprendre ma dynamique, l'auteur Doris Donnely répartit la démarche du pardon en cinq étapes. Laissez-moi vous les présenter : la reconnaissance de la blessure, la décision de pardonner, la prise de conscience de la difficulté de pardonner, le pardon à soi-même, l'examen des effets néfastes de l'absence de pardon.

Par contre, l'auteur Lewis Smedes décrit le processus du pardon de cette façon : avoir mal, haïr, se guérir, se réconcilier. Ce deuxième énoncé me touche par sa simplicité. Quant à l'auteur Richard Walters, il propose un pardon en 5 étapes dont : 1) prier pour se préparer au pardon, notamment pour reconnaître le besoin de pardonner, pour susciter en soi le désir de pardonner, pour obtenir la maîtrise de son ressentiment et pour trouver le courage de persévérer dans sa démarche de pardon; 2) décider de pardonner sans pourtant oublier; 3) accomplir l'acte du pardon lui-même; 4) fêter le pardon accordé; 5) donner suite à son pardon : se réconcilier ou mettre fin à sa relation. 

J'ai trébuché plus d'une fois à travers cette aventure hasardeuse car pour réussir à vous pardonner, j'ai dansé avec une multitude d'émotions difficiles à accepter et à comprendre. Je suis arrivée au bout de mon cheminement et suis prête à enterrer cette marre d’impuissance laissée devant vos gestes que vous n’avez jamais regrettés, en tant qu'offenseur.

Grâce à la naissance de notre site «Quand la drogue n'est plus un jeu» créé pour m'aider à mieux vivre la toxicomanie d'Emmanuelle, j’ai été dans la capacité de panser plusieurs de mes blessures laissées par le Feu de vos dépendances. Malgré cette réussite, je ne sens pas le besoin de recréer notre relation qui s'est éteinte en 1995.

J’aurais tant aimé connaître ma vraie Mère, celle qui se cache sous ces consommations. J’ai souvent ressentis un désir profond d'échanger avec elle. Malheureusement, je resterai avec mon panier plein de questions sans réponse!

Dieu m’a donné le Courage d’accepter les choses que je ne puis changer. Il m’est difficile d’écrire l’expérience extraordinaire que je vis présentement dans l’expression de cette ouverture qui se manifeste positivement.

Ce travail que j’ai fait sur les branches de l’arbre de ma vie m’a permis d’atteindre cette Sagesse de vous pardonner. Je souris devant mon futur car je réalise que vous m'avez donné le plus beau cadeau, LA Vie. J'aimerais vous remercier de m’avoir enseigné le malheur. Cette lacune m’a donné la force de lutter pour prendre ma place dans la société d'aujourd'hui. Un monde qui parfois est parsemé de difficiles et de froideur!

Le 6 avril dernier, j'ai perdu ma «Mammy». Elle nous a quitté suite à une longue lutte parsemée de souffrances. Vous connaissez cette grande dame car, par le passé quand nous vivions notre enfer à Granby, elle nous apportait «Soutien et Compassion» qu'elle versait généreusement et inconditionnellement. Elle pratiquait le don de Soi puisqu'elle aidait à nous chausser, à nous habiller et elle nous faisait parvenir des boîtes remplies de nourriture. Ma vie ne sera plus meublée par sa douce présence. Grâce à son passage dans mon existence, je crois en un Dieu d'amour. Il l'aidera à continuer tous ses bienfaits de là-haut.

Quant à moi, je poursuis mon deuil laissé par son départ précipité mais j'ai confiance qu'elle guidera mes pas pour mieux m'aimer dans la Magie de mes différences.

Puis-je vous rappeler certaines parcelles marquantes de notre passé pour que je puisse faire mon deuil et ainsi,  les enterrer convenablement, comme il se doit. Puisque vous n'avez jamais démontré de regrets vis-à-vis l'ampleur de vos actions alors retournons ensemble en arrière sur ce chemin de noirceur, juste pour une dernière fois.

Je veux que vous sachiez que mon objectif est de vous donner les outils nécessaires pour qu'avant votre départ vers l'au-delà, que vous puissiez demander à Dieu de vous accorder le pardon.

Dans les prochaines lignes qui suivent, je vais énumérer certaines blessures qui ont fait surface pendant ma démarche que j'aie entreprise. Il y en a d'autres, mais le temps me manquerait. J'ai énuméré l'essentiel, celles qui ralentissaient la roue de ma fragilité intérieure. Je vous présente les éléments de ma hantise en espérant que vous reconnaîtrez l'ampleur de vos gestes :
 

  • Vous aviez trois lisières en cuir utilisés pour vider votre agressivité et vos déceptions. Mon enfance est meublée d'abus physiques de votre part. Mes mains contre mon visage, j'essayais de me protéger contre les blessures laissées par votre manque de contrôle. Vous tiriez constamment nos cheveux pour nous enlaidir. Et devant le miroir de la salle de bain, je pleurais ma perte de cheveux évidente et la pauvreté de votre instinct destructeur.
  • Et nous ne pouvions jouer dehors car vous étiez tellement jalouse de Madame Couture (la voisine immédiate). Vous fermiez tous les rideaux et nous vivions dans la noirceur sans pouvoir sortir à l'extérieur pour partager les jeux avec les autres enfants. Je regrette cette indifférence que vous avez démontrée à notre égard. J'aurais aimé jouer ma jeunesse !

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  • Et toutes nos nuits sans sommeil, à courir pour que Roger revienne à la maison. Nous courrions les trottoirs pour lui pleurer notre désespoir tout en espérant qu'il revienne à la maison, pour qu'il vous pardonne votre infidélité. Et au matin, nous devions nous rendre à l’école et faire nos travaux scolaires, en traînant cette constante fatigue déconcertante.

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  • Et tous ces mois que vous avez passé à sniffer l'éther. Vous étiez couché sur un des lits superposés qui était situé dans notre chambre. Quelques minutes avant la fermeture de la pharmacie, subitement vous réclamiez votre maudite drogue. Et nous courrions de toutes nos forces espérant que les portes de la pharmacie soient ouvertes. Tant de désespoirs quand nous revenions les mains vides. Et sans parler des dommages laissés par cette senteur qui nous envahissait et nous détruisait.

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  • Et tous ces hommes qui vous accompagnaient à la maison. Où était votre instinct maternel? N'avez-vous pas réalisé que leurs présences mettaient notre sécurité et notre bien-être en danger? Pourquoi choisissiez-vous les plus déséquilibrés de tous? Et pourquoi nous faire vivre tant d'horreurs? Toutes ces chicanes, ces cris, ces batailles, ces mésententes, ne pouvaient que nuire à notre développement psychologique et mental!

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  • Et comme j'aimerais oublier les coups répétitifs que ces rapaces posaient à votre égard! Ils vous déchiraient physiquement et nous étions en larmes à la vue de ces massacres? Et ils quittaient en vous laissant blessée au sol. Nous étions épuisés par la noirceur que vous nous présentiez. N'avez-vous pas de regrets devant le miroir que je vous dessine? Pourquoi vous amusiez-vous à les provoquer? Cette atmosphère dangereuse qui grandissait autour de nous rendait nos vies si inconfortables. Nous vivions de telles craintes dans notre for intérieur. Nous avons passé trop de temps assis à côté de ces étendues de sang. Regardez vos enfants, aujourd'hui. Ce passé cruel a laissé des blessures profondes sur notre équilibre! Nos poches sont vides. Où est ce miracle pour guérir la force de nos plaies?

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  • Daniel, notre frère avait trouvé des barbotes dans la cour arrière. Vous les avez déposées dans le bain. Puis votre conjoint et vous-même, avez baissé nos culottes. Un à un, vous nous avez projeté dans l'eau. Nos fesses gisaient dans ce piège psychologique. Pourquoi n'avez-vous pas arrêté ce massacre mental quand vous nous avez entendus criant notre détresse, craignant des formes de morsures? Et ces horribles poissons noirs, ils frôlaient nos corps agressés. Et je me revoie, désemparée, sans aucune porte de sortie pour nous secourir … Merde!
  • Parmi mes grosses blessures, j’enterre ce jour où j’ai gardé ma sœur la plus jeune. Vous m’aviez dit de faire le repassage qui gisait en arrière d’un rideau où des boîtes étaient remplies de vêtements secs et froissés. Je me suis empressée de répondre à vos demandes. Puis j’ai réalisé qu'elle avait joué dans un pot de peinture que vous aviez laissé traîné sur le sol de la pièce voisine, tout en oubliant de fermer le couvercle. Affolée, j’ai essayé de nettoyer le dégât mais sans succès. Et à votre arrivée, vous m’avez corrigé de trois façons : en me disputant, en me fessant puis en me coupant les cheveux. Les bras à l'arrière du dos, votre conjoint m'a fait asseoir sur une chaise de la cuisine. Et vous m'avez coupé mes beaux cheveux, à la hauteur de mes oreilles et ce, sans même prendre le temps de les peigner. En plus, vous m'avez blessé avec la paire de ciseaux. Pourquoi fallait-il que vous enlaidissiez vos filles constamment? Et pourquoi avez-vous laissé votre conjoint agir de la sorte? Quel plaisir ressentiez-vous à nous abuser ainsi? On dit que chaque torchon trouve sa guenille. Dans la tristesse de ce retour en arrière, j'admets que votre torchon à laisser des marques évidentes sur notre passé et que malheureusement, elles resteront impunies.
  • Vous souvenez-vous, du jour où vous m’avez coupé mon toupet à l’aide d’un rasoir. Dans une manœuvre jugée anormale, vous m'avez rasé le 3/4 de mon sourcil. Puis, à mes cris de détresse, vous m'avez lancé un bout de crayon noir en me disant de me fermer la gueule et de m'en créer un, moi-même. L’image que laissait le miroir était si lourde. Et j’ai attendu que mes poils repoussent. Si seulement je pouvais vous faire comprendre toute la honte qui m'habitait et sans oublier, le ridicule que j'ai vécu. Et à 13 ans, un tel événement ne peut que laisser des blessures!
  • Toutes ces dépenses inutiles! Tous vos minces revenus de l’aide sociale utilisés dans l'achat de votre maudite boisson. Nous n'avions qu'un seul repas chaud par mois. Le reste du temps, nous n’avions à manger que des sandwichs à la graisse avec du sucre ou aux bananes ou à la bologne. Aucun jus, desserts, sucreries, collations pour ensoleiller nos repas. Même à l’école, nous ne pouvions nous acheter un petit lait. Nous avons passé une partie de notre enfance à pleurer la pauvreté de vos choix.

 
Les cinq enfants
- Photographie prise en 1973 - j'avais 17 ans
Sur cette photo on retrouve de gauche à droite, mes deux soeurs, moi-même, mon frère Daniel (maintenant décédé)
et mon frère aîné.
C'est la seule photo existante des cinqs survivants du passé.
Au moment de cette prise de photo, la seule qui demeurait à la maison était la plus jeune (à gauche de la photo).

Du livre intitulé OPTAF informations, je lis : «Un milieu familial anormal, une éducation négative, un climat de conflits perpétuels prédisposent davantage à l'alcoolisme». Saviez-vous que ma fille âgée de 25 ans souffre d'alcoolisme et de toxicomanie? Elle a tout perdu dans sa descente en enfer. Et sa plus grande perte réside dans l'absence de l'estime de son Soi malade. Le Tout-Puissant a jugé bon de m'épargner, mais mon oiseau marche dans le feu de vos pas. Sachez que je ne blâme pas ses choix de vie sur le bagage laissé par notre hérédité!

Je suis arrivée au haut de ma montagne et j'en profite pour regarder en arrière, sur le chemin que j'ai parcouru. Je peux donner un nom à ma douleur et je suis disposée à vous pardonner. J'avoue que même avec mes yeux neufs, je n'ai pas réussi à comprendre l'étendue de votre négligence et l'absence développée de votre instinct maternel. 

Vous quitterez ce monde riche de mon pardon. J'ai vécu tout un périple pour marcher fièrement vers celui-ci. J'ai cheminé grandement en Humanité et en Sagesse. J'ai jeté aux poubelles, mon ressentiment et mon esprit de vengeance. J'ai admis inévitablement mon impuissance devant les injustices que nous avons subies, bien malgré nous.

Je suis l'héritière de vos malaises mais, je célèbre cette paix intérieure qui respire au fond de Moi. Je profite de cette fin de démarche pour vous remercier pour le beau chapelet que vous m'aviez offert le 5 octobre 1990 (au décès de Michèle). Je le conserverai précieusement. Et dans mes moments de doutes, je le serrerai dans un geste spirituel pour me protéger des séquelles laissées par tous vos abus physiques, moraux et psychologiques.

Seigneur, aidez-moi à conserver la Paix et la Liberté intérieures? Il n'y a pas d'espace pour la réconciliation mais je vous souhaite de reconnaître vos torts pour guérir les blessures que vous avez laissées sur les vies de vos enfants ! 

Le défi… est d'entrelacer les fils ténus d'une vie brisée afin d'en faire une œuvre riche de sens et de responsabilité. De l'auteur Gordon Allport

Quant à votre conjoint, celui qui a participé à tant d'horreurs, étant donné qu'il n'a pas reconnu sa culpabilité, je ne crois pas qu'il est digne de mon pardon. Je laisserai le Tout-Puissant danser avec sa prise de conscience pour qu'il se libère de sa croisade désastreuse dans nos vies. Que Dieu le bénisse dans son ignorance?

Conservons cette distance qui nous unit. Et je fais mon deuil de votre indifférence évidente! Je termine sur ces mots empruntés merveilleusement du livre intitulé «Le petit prince» de St-Exupéry :

Que fais-tu là?
Je bois, répondit le buveur d'un air lugubre.
Pourquoi bois-tu ? lui demanda le petit prince.
Pour oublier, répondit le buveur.
Pour oublier quoi? s'enquit le petit prince qui déjà le plaignait.
Pour oublier que j'ai honte, avoua le buveur en baissant la tête.
Honte de quoi? s'informa le petit prince qui désirait le secourir.
Honte de boire? acheva le buveur qui s'enferma définitivement dans le silence.
Et le petit prince s'en fut, perplexe.

J'ai souvent essayé de mieux comprendre mais si on ne sait pas nager, on ne peut pas aider quelqu'un qui se noie. Et si la personne qui se noie ne sait pas pourquoi elle boit?

Alors, je continuerai ma route, perplexe et libérée … Et je marcherai ma vie, un jour à la fois, votre fille
 

Lee, auteure
 

 
«Sous le masque de l'innocence» vous a présenté à travers mes chroniques, mes souvenirs de mes blessures laissées par ma mère jalousivement dépendante de l'alcool et des barbituriques. Elle possédait une grande beauté de corps mais elle était habillée d'une pauvreté du coeur.

Les mots qui suivent sont basés sur des faits réels qui hantent mon enfance et celle de mes frères et soeurs. À l'aube de mes 46 ans, je vis toujours une grande tristesse vis-à-vis les pages qui habillent notre livre d'histoires suite au décès de notre paternel. Il est décédé le 21 septembre 1965 à l'âge de 37 ans. Il laissait derrière lui, ses 5 enfants. Lors de son départ, nos âges variaient entre 2 et 14 ans.

Ma richesse réside dans le pardon obtenu envers ce passé d'enfer...

Lee, auteure

MAI 2002
Paix & Sérénité
De la froidure de mon passé naît la force d’avancer à pas de géant vers des chemins où dansent les grands!
Merci de m'avoir si gentiment donné votre compassion d'amour dans mon voyage difficile vers le pardon.
Lee, auteure

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