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Quand la drogue n'est plus un jeu

Anonymes et Cie

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L'ACTUALITÉ / 15 JUIN 1996
Anonymes et Cie
par Louise Gendron

En prison, à l'hôpital, à l'école, en ville et à la campagne... les anonymes, AA, GA, OA, SA, etc., sont partout, disponibles jour et nuit!
 

«Et le grand total... 1974 
ans, six mois, quatre
jours!», hurle l'animateur dans son micro.


Photo de Raymonde Bergeron

Dans la grande salle du huitième Congrès bilingue des jeunes alcooliques anonymes, plus de 1000 personnes sont en délire.  Debout sur la table, mon petit voisin trépigne d'enthousiasme, menaçant dangereusement mon café. « Quels sont ceux dans la salle qui ont... 50 ans de sobriété ? 49 ans? 48 ans? » a commencé l'animateur il y a près d'une heure. À « 39 ans », un premier monsieur s'est levé.  Depuis, l'enthousiasme n'a pas cessé d'augmenter tout le long du « décompte de sobriété », compliquant d'autant la tâche des comptables, qui, de la mezzanine, essaient d'additionner les années ainsi déclarées.  Quand on en arrive à « Quels sont ceux qui ont... 24 heures de sobriété ? », la salle explose littéralement sous les vivats, histoire d'encourager la trentaine de nouveaux un peu ahuris qu'on porte en triomphe jusqu'à l'avant.

Ça pourrait être débile.  Et pourtant je suis touchée. À cause de mon petit voisin de table (il n'a pas 12 ans) qui m'a parlé, tout fier, de ses deux mois de sobriété.  Et aussi parce que, depuis un mois que je sillonne la planète des mouvements anonymes québécois, je suis jalouse.

Jalouse de Charles, qui, bien qu'il passe une grande partie de sa vie à voyager tout seul dans des villes inconnues, ne se sent jamais isolé.  Dès qu'il arrive à Londres, Mexico, Bonn ou Denver, il décroche le téléphone pour avoir l'adresse de la réunion des Alcooliques anonymes (AA) la plus proche. « Là, je suis accueilli par des gens qui comprennent ce que j'ai vécu et partagent ma philosophie de vie, dit-il.  Les AA m'ont donné l'occasion de me faire des amis partout dans le monde. »

Jalouse de Marie membre des Cocainomanes anonymes, et qui, même après huit ans, ne manquerait pour rien au monde ses deux réunions hebdomadaires. 
« C'est une famille, dit-elle.  Je trouve là des gens avec qui je peux sauter le blabla social pour aller directement à l'essentiel. »

Ce reportage a commencé par un chiffre: à Montréal seulement, les Alcooliques anonymes tiennent plus de 600 réunions par semaine!  De ces « meetings » (comme disent tous ceux qui les fréquentent), 63 sont en espagnol, un en polonais, un en grec et un en langue des signes québécoise (pour les sourds).  C'est, chaque semaine, plus de monde qu'il n'en faudrait pour remplir le vieux Forum de Montréal.

À ce nombre, il faut ajouter les groupes de cocaïnomanes, narcomanes, « outre-mangeurs », « sexoliques », dépendants affectifs, émotifs, joueurs compulsifs, enfants-adultes de familles dysfonctionnelles; en tout, une vingtaine d'associations qui, depuis 30 ans, ont repris la méthode des Alcooliques anonymes.

Ensemble, ils forment un réseau presque invisible, très informel mais solide.  S'y côtoient des coiffeuses et des journalistes, des gens d'affaires et des artistes, des « semi-clochards » et des politiciens (dont au moins un ancien premier ministre), des êtres humains qui, en apparence, n'ont rien en commun si ce n'est une dépendance (à l'alcool, à la drogue, au sucre, au jeu, à l'approbation des autres, à la pornographie, etc.) et le fait qu'ils ont presque tous une histoire d'horreur à raconter.  La leur.

À 27 ans, Richard mène la vie de milliers de gens de son âge.  Il a une blonde, un emploi stable, des loisirs et beaucoup d'amis. «J'ai découvert les AA comme si j'avais gagné à la 6/49, dit-il pourtant.  Je m'étais tiré une balle dans le ventre l'année précédente, j'habitais le sous-sol de mes parents, je n'avais pas d'emploi, pas d'argent et pas d'allure.  Les AA ont changé ma vie. »

Cette petite phrase, je l'ai entendue des dizaines de fois.  Chez les outremangeurs, j'ai rencontré Claude, brillant professionnel dans la quarantaine, qui m'a raconté ses « brosses de sucre »: « Une fois, au volant de ma voiture, j'ai mangé six tablettes de chocolat entre Montréal et Saint-Hyacinthe.  Je ne me souviens même plus comment je suis arrivé à Québec. »

Chez les narcomanes, Pierre m'a raconté la période où il avalait des Actifed (des antihistaminiques) à la douzaine, «avec du Pepsi, pour plus d'effet».  Un autre Pierre, respectable employé de l'État et membre des Gamblers anonymes, a un jour avoué à sa femme (convaincue qu'ils avaient 50 000 dollars d'économies) qu'il avait contracté 40 000 dollars de dettes, résultat de 30 ans de paris aux courses. «Mon arrivée chez les GA a été très difficile, dit-il.  Mais c'est compensé par une maudite augmentation de salaire ! »

Et chez les AA, Larry, ex-importateur de drogue plusieurs fois condamné, parle avec réticence de sa dernière cuite. «Elle a duré deux ans, m'a-t-il dit, et ne s'est terminée que parce que j'ai eu la chance de me ramasser avec un couteau entre les omoplates. »

Les meetings sont pleins aussi de gens au passé moins spectaculaire, qui n'ont jamais atteint ces bas-fonds, mais qui disent avoir trouvé là la façon de régler leur problème avant qu'il leur bousille l'existence.

«Les Alcooliques anonymes sont probablement le plus important groupe d'entraide au monde», dit Francine Lavoie, professeur en psychologie communautaire à l'Université Laval. « Le mouvement est présent à peu près partout en Amérique du Nord; ses membres vont dans les prisons, dans les écoles, ne refusent jamais personne, même les cas très difficiles qui foutent la pagaille dans les urgences.  Ils abattent un boulot énorme. »

La méthode des AA (reprise plus ou moins intégralement par tous les groupes anonymes) ne comprend pourtant ni services de professionnels, ni diagnostics élaborés, ni médicaments.

L’idée de départ est simple: l'alcoolisme (ou toute autre dépendance) n'est pas un vice; c'est une maladie, une sorte d'allergie.  On n'en guérit pas, mais on peut parfaitement la contrôler: il suffit d'arrêter complètement de consommer la substance en question!  Mais n'importe quel « accroché » vous le dira: il est presque impossible de se lever un bon matin en décidant qu'on restera sobre le reste de sa vie.  Par contre, n'importe qui est capable de ne pas consommer pendant 24 heures, surtout avec l'aide de ses semblables.  Chez les anonymes, on n'arrête pas pour la vie, juste pour aujourd'hui.

Un système informel de parrainage permet à tout le monde d'aider tout le monde: le nouveau venu profite de l'exemple et des encouragements d'un ancien qui, à son contact, n'a aucune chance &oublier d'où il vient et ce qu'il a vécu, ce qui l'aide à lutter contre la rechute, toujours possible.

Mais se débarrasser de sa dépendance ne représente que 15 % du travail.  Une fois « dégelé », il faut apprendre à vivre avec les émotions qu'on engourdissait auparavant, réparer si possible les torts qu'on a causés, faire la paix avec soi-même et avec les autres.  Ce sont les « 12 étapes du rétablissement», dont la première consiste à reconnaitre qu'on a perdu la maitrise de sa vie et la deuxième, à accepter le fait qu'une «puissance supérieure » (comme Dieu, les lois de l'univers ou la force du mouvement, ce qu'on veut, en fait) peut nous «rendre la raison »!

Démodé ? Et pourtant. «Voilà 30 ans que je prédis la baisse du nombre de membres des Alcooliques anonymes», écrivait en 1992 le sociologue Robin Room de l'Addiction Re-search Foundation de Toronto. «Et voilà 30 ans que je me trompe.  La proportion d'alcooliques dans la population diminue constamment, mais les AA comptent deux fois plus de membres qu'il y a 15 ans!» Et cela, malgré le fait qu'un certain nombre de spécialistes en toxicomanie remettent en question le credo des AA, selon lequel il suffit d'un verre ou d'une sniff pour replonger l'alcoolique ou le toxicomane dans son enfer.

Les AA, le plus ancien et le plus important de tous les mouvements anonymes, comptent deux millions de membres dans 160 pays, de la Russie au Vanuatu, et le siège social, à New York, emploie 100 personnes.  On évalue qu'il y a, aux États-Unis, plus de 500 000 réunions de soutien par semaine et que la majorité sont tenues par l'une des 200 fraternités qui, dans ce pays, ont adopté le mode de fonctionnement et les 12 étapes des Alcooliques anonymes.

Les membres ont leurs bars sans alcool (Montréal aussi a le sien, Antidote, boulevard Saint-Laurent), leurs clubs de motocyclistes, leurs ligues de balle molle.  Et presque leur État, le Minnesota, où, selon l'hebdomadaire américain Time, 1 % des quatre millions d'habitants sont occupés à se débarrasser d'une dépendance!  Rebaptisé Minnesober, the State of the Recovery (Minnesobre, l'État du rétablissement), il accueille des milliers de New-Yorkais qui, en quête d'une vie plus calme à l'abri des excès, quittent la Big Apple pour s'installer à

Minneapolis (qu'ils appellent Mini Apple ... ). C'est là qu'on trouve la seul, Sobriety High School (c'est son nom! du monde.  Fondée en 1989, cette école publique reçoit une quarantaine d'adolescents, tous alcooliques ou toxicomanes en rémission, qui peuvent y poursuivre leurs études loin des tentations de leur ancien environnement scolaire.

«Je suis sorti de mon premier meeting des AA avec quatre ou cinq numéros de téléphone », raconte Pierre L., propriétaire de plusieurs commerces à Saint Bruno. « C'est le cadeau le plus précieux que j'aie jamais reçu, une véritable bouée pour la loque sans famille et sans amis que j'étais devenu. »

À ses débuts, Pierre L. a suivi à la lettre les conseils des vieux membres: « prendre ça un jour à la fois» et «faire du metting», beaucoup de meetings.  Il en a fait 90 en 90 jours!  Dix-huit ans plus tard, en fait encore un ou deux par semaine.

Des meetings, il y en a toujours et partout.  Dans les centres-villes à l'heure du lunch; tous les soirs dans des milliers ( salles paroissiales ou communautaire dans certaines entreprises comme Hydro Québec ou le Journal de Montréal; dans les prisons et sur la colline parlementaire à Ottawa; à minuit les vendredi et samedi pour les « sorteux » et à 7 h le samedi pour les joggeurs matinaux.

Le meeting, c'est la messe, le rituelmouvement.  Un mercredi soir, j'ai franchi la porte d'une salle communautaire de Côteau-du-Lac, près de Valleyfield.  Chaises et tables en bois, quelques affiches au mur «<Un jour à la fois», « Lâcher prise », « Reviens, ça marche ! », une cafetière.  Et une quarantaine de personnes de tous âges qui, verre de styromousse à la main, s'interpellaient, conversaient.  Quelques personnes, spontanément, se sont approchées, la main tendue, de l'inconnue que j'étais. « Bonsoir, je m'appelle Daniel [ou Diane, ou Richard]. » Un accueil plein de sollicitude, mais sans invasion.

Comme les Big Mac, les meetings sont toujours pareils, où que ce soit dans le monde: prière de la sérénité, mot de bienvenue à l'intention du nouveau venu, informations sur les activités des groupes locaux.  Suit le plat de résistance, le moment où un membre invité vient parler, pendant environ 30 minutes, de lui-même, de ce qui l'a amené au mouvement et de son cheminement depuis qu'il y est entré.  C'est le «partage», suivi ou non d'une courte discussion ou remplacé dans certains groupes par plusieurs mini-partages de quelques minutes chacun.

Il se passe là des choses étonnantes.  Dans un meeting, des AA en prison, j'ai vu une demi-douzaine de malabars tatoués écouter respectueusement un petit monsieur timide leur bégayer ses souvenirs d'écolier cancre et d'adulte malheureux en ménage.  Quelques jours plus tard, dans un sous-sol d'église du centre-ville de Montréal, un quadragénaire en complet veston a remercié un jeune semi-clochard pour son «partage». « U m'as fait comprendre quelque chose », lui a-t-il dit avant de monter dans sa Lexus.

«J'ai déjà téléphoné à un magnat québécois, millionnaire et très occupé, pour lui demander de venir "partager" dans mon coin, raconte Richard.  Il n'avait jamais entendu parler de moi, mais il est venu, un vendredi soir, en hélicoptère, dans mon groupe de cols bleus et de chômeurs! »

Cet esprit est grandement facilité par la règle de l'anonymat, Ia plus connue du mouvement... et la moins bien comprise du grand public. « Grâce à l'anonymat, le nouveau venu sait que le récit de ses brosses ou le fait qu'il est un masturbateur compulsif ne fera pas le tour de la province ! » dit Jacques E, membre des AA depuis près de 25 ans. «Mais, surtout, la tradition empêche quiconque d'utiliser la bonne réputation des AA à des fins personnelles et permet d'éviter que le mouvement en vienne à s'effacer au profit de quelques vedettes. » 

Anonymat a aussi pour effet que les membres ne savent pas si leur voisin de table est chirurgien cardiaque ou visseur de bouchons, ce qui aide à gommer les différences et à se concentrer sur l'essentiel.

Certaines personnes sont accrochées, «font» une, parfois deux réunions par jour pendant des années. « Oui, c'est peut-être un transfert de dépendance», admet Louise Nadeau, spécialiste en toxicomanie et professeur à l'Université de Montréal. «Et alors?  Le AA "accroché" est en tout cas plus heureux qu'avant, moins dangereux pour lui-même ou ses proches.  Il devient même souvent utile à la société, qui, en fin de compte, se trouve à y gagner. »
Le lendemain, climat bien différent au meeting hebdomadaire de Cocaïnomanes anonymes de la Maison Jean-Lapointe.  Ici, on sent une vitalité, une fébrilité.  La « carrière » du cocaïnomane étant beaucoup plus courte que celle de l'alcoolique, l'âge moyen est plus bas et l'ambiance nettement plus dynamique. «Les "cokeux" sont des gens de gangs, des hyperactifs sociables qui aiment flasher», dit Marie, qui, avec ses huit ans de sobriété, fait partie des « cocaïnomanes ». «On ne consomme plus, mais on ne change pas tant que ça! » Les anonymes ont leurs codes et leurs rituels, les jetons (d'un jour, d'un, trois, six ou neuf mois), par exemple, puis le gâteau (remplacé par des fleurs chez les outremangeurs ... ), qui soulignent les anniversaires de sobriété.  Ils ont aussi leur langage: ils parlent de «garder ça simple», de prendre la vie un jour à la fois, se souhaitent « un bon 24 heures».  Ils parlent de leur «puissance supérieure» et font des blagues sur la 13e étape (la drague!), religieusement pratiquée par beaucoup de membres!

Les 12 étapes tissent un lien réel entre ceux qui les mettent en pratique et servent au moins de code aux autres, créant entre tous les membres une solidarité surprenante qui, bien sûr, déborde parfois du cadre du mouvement. « Si je n'étais pas membre, je n'aurais jamais publié Moi,
Mike Frost, espion canadien, raconte le journaliste Michel Gratton.  C'est dans un meeting que Frost m'a proposé de me raconter son histoire. » « Il y a quelques années, j'étais agent de crédit chez un concessionnaire automobile, raconte Isabelle.  Je travaillais tout le temps, je ne pouvais plus aller aux meetings.  Et mon patron me faisait des misères.  Un jour, deux clients, qui avaient reconnu le pendentif que je portais, m'ont demandé comment se passait "mon 24 heures".  Nous nous sommes improvisé un petit meeting, dans mon bureau vitré avec vue sur la salle de montre. Ça m'a fait beaucoup de bien! »

Charles, le grand voyageur, m'a parlé d'un meeting à trois, fait en courant, aux environs du 30e kilomètre du marathon de Montréal, il y a quelques années!  Il dit que, si un jour il avait un problème, dans un avion par exemple, il demanderait à la cantonade l'aide d'un ami de «Bill et Bob », les deux fondateurs des AA.

Pas question pour autant de faire confiance aveuglément à un membre inconnu. «Les alcooliques, les joueurs, les cocaïnomanes, rien de bien fiable là-dedans! dit Isabelle.  On fait attention, là comme ailleurs. » « Les anonymes sur le BS qui restent assis au Dunkin en attendant que leur "puissance supérieure" leur trouve une job, ça existe! dit Richard. Ça m'horripile! »

Alcoolics Anonymous a été fondé à Akron, en Ohio, en 1935, par deux alcooliques (« Un tel mouvement, basé sur la relation d'aide, n'aurait pu être fondé par une personne, précise la légende des AA. Il en fallait deux»), Bill W, un agent de change de New York, et le Dr Bob, un médecin d'Akron, considéré comme un buveur irrécupérable.

Au départ inspiré des principes d'un groupe de tempérance très religieux, l'Oxford Society, le mouvement a dès les années 40 adopté une attitude ouverte et pluraliste.  Chacun croit en ce qu'il veut, prie le Dieu qui fait son affaire ou le remplace par autre chose, la force du groupe par exemple.

De l'extérieur, le mouvement a pourtant un petit côté sectaire.  Il y a les « 12 étapes », les « 12 traditions », les « 12 concepts » et les « 12 promesses ». Il y a les slogans, les références aux écrits de Bob et Bill, la prière de la sérénité et des allusions constantes à Dieu, « tel que chacun le conçoit ». Il y a même l'équivalent de la messe: le meeting.

Mais le mouvement ne dicte ni croyances ni comportements à ses membres et ne leur demande pas d'argent.  Les nouveaux et les visiteurs n'ont même pas le droit de contribuer à la collecte volontaire qui, à chaque réunion, permet de payer le café et la location de la salle, et dont les surplus sont envoyés au bureau des services généraux.  Personne ne peut exclure personne ni imposer sa vision des choses.  Il est interdit de donner des conseils.  Chacun n'est spécialiste que de son cas.
Et les réunions sont pleines de gens ouvertement agnostiques ou athées.  Malgré ses deux allergies («à l'alcool et à Dieu»), Jacques F. est sobre depuis près de 25 ans.  Il admet que le langage religieux des AA l'a longtemps rebuté. «Pendant 10 ans, je me suis senti très marginal dans le mouvement, dit-il, et j'ai souvent rechuté parce que j'aimais mieux boire que croire. » Il est aujourd'hui très actif dans le groupe (il siège aux Services mondiaux, à New York) et, toujours aussi incroyant, il admet devoir « tenir son bout » contre certains membres qui tentent de rendre le mouvement plus religieux.

Mais, au fil des années, certains, même parmi les plus incroyants, changent profondément. « Quand je suis arrivé à Outremangeurs anonymes, je ne vivais que pour ma maison, mon auto, mes "bébelles", dit Claude.  Sept ans plus tard, je ne crois toujours pas en Dieu, mais le mouvement m'aide à mettre les valeurs à la bonne place et à mieux vivre. »

«La religion, c'est pour ceux qui ont peur d'aller en enfer, dit Richard. Pour ceux qui en reviennent, il y a la spiri-tualité». 

I'ACTUALITÉ / 15 JUIN 1996

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