"Ils arrivent à travers vous mais non de vous. Et quoiqu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. Vous pouvez leur donner votre amour mais non vos pensées, Car ils ont leurs pensées propres. Vous pouvez abriter leurs corps mais non leurs âmes, Car leurs âmes habitent la demeure de demain que vous ne pouvez visiter même dans vos rêves. Vous pouvez tenter d’être comme eux, mais n’essayez pas de les rendre comme vous. Car la vie ne s’en retourne pas en arrière ni ne s’attarde avec hier. Vous êtes les arcs qui projettent vos enfants comme des flèches vivantes. L’Archer voit le but sur le sentier de l’infini et Il vous tend de toute son énergie pour que ses flèches puissent aller vite et loin. Que cette force bandée par la main de l’Archer soit joyeuse ; Car, s’Il aime la flèche qui vole, Il aime aussi l’arc qui est stable. »

Chacun de nous interprète la sagesse de ce grand homme selon son système de valeurs, selon sa maturité dans ses rôles et selon la profondeur de ses réflexions.

Toute cette brassée de mots m’aide à plonger dans mon impuissance de merde. Du début jusqu’à la fin, je vois se défiler les scènes de ma vie, scènes vécues dans mes rôles d’enfant, de mère puis, de grand-mère.

Au pied de ma colline où bien des pierres se sont accumulées, se lèvent bien des soleils de pluie.

Devant la noyade de mes filles, devant leur consommation active, je demande au Tout-Puissant « Ai-je réussi par mes flèches à leur donner des ailes ? »

Elles vieillissent tout en enterrant l’innocence de croire à leur bonheur. Du haut de mes inquiétudes, je me demande si elles vont réussir à guérir leurs faiblesses de chagrin ? Vont-elles démasquer les pourquoi de leur inconfort?

Car plus elles tardent à s’envoler,
plus elles s’éloignent de leur mission d’être, de leur petit bonheur.

J’espère que la vie ne me les enlèvera pas avant
que je puisse avoir la conviction d’avoir été une bonne archère dans mes chaussures de Mère.

À vous Mères, Par mes leçons de conscience, sachez que je comprends votre désarroi dans votre rôle.

Lee, mère co-dépendante

(Source : Gibran, Khalil (1990). Le prophète. 75014 Paris : Les éditions Albin Michel S.A. pp. 33-34)