LES CORRESPONDANCES DE LEE
Lise P

Objet: Partages - Témoignages
Date: Thu, 02 Dec 1999 10:18:56 +0100
De: lise p
A: lee@quandladrogue.com

Que faire ?

J'ai un fils de 22 ans qui habite avec moi sa mère, monoparentale.  Il ne travaille pas comsomme de la marijuana au moins 4 à 5 fois/semaine.

Avant de vous écrire, j'ai tout essayé.  Dialogue, psychologue, affontement, menaces et police et là je suis malheureuse et impuissante face à son problème.  Que faire ?  Je n'ai aucune autorité... Parfois la communication me semble bonne sauf que nous en sommes toujours à la case départ..  Toujours des promesses... Que faire ? 

J'aime mon fils et me sens responsable, divorce etc.

Merci de m'avoir lue et dites-moi quoi faire ?

lise p.


Objet: Re: Partages - Témoignages
Date: Sun, 05 Dec 1999 15:28:42 -0500
De: result-lfn <lee@quandladrogue.com>
A: lise p

Bonjour à vous, 

J'ai hésité à répondre à votre correspondance. Être parent n'est pas une tâche facile. Actuellement, il est pénible de trouver l'équilibre dans notre rôle. Nous vivons une telle tension financière. Nos ennemis sont de taille et nos proches ont parfois de la difficulté à leur dire «Non». 

Mon enfant âgé de 24 ans est toxicomane depuis quelques années et elle se nomme Emmanuelle. Je fais des chroniques à chaque semaine pour ventiler ma frustration mais, aussi pour comprendre les étapes que je vis. Je ne suis pas une professionnelle simplement, une mère qui marche lentement dans ce monde qui remplie ma réalité de laideur. Ma plus grande richesse se trouve dans les correspondances que nous recevons à travers notre site. J'essaie de répondre à chaque lettre reçue mais, j'avoue que la vôtre m'a touché par sa simplicité et par la richesse de votre relation affectée par cette dépendance. 

Il y a des jeunes qui vivent des dépendances qui sont difficiles à contrôler et ou mêmes à arrêter. J'ai compris avec le temps et suite à la lecture de matériels existants que ma fille pourrait être en plus grande difficulté. Elle consomme présentement de la cocaïne mais l'héroïne serait beaucoup plus destructible et ce, à bien des niveaux. La consommation de pot est inquiétante pour un parent et je vous comprends. Parfois, elle amène le consommateur à augmenter ses doses et à poursuivre sa dépendance dans la prise de drogues qu'on qualifierait de plus fortes et plus dommageables pour la santé physique et mentale de l'individu. 

Je suis aussi une femme qui a porté le statut de «divorcé» depuis quelques années. Le divorce crée chez l'individu un quantité de désordres qui a pour effet de le désiquilibrer dans son for intérieur. Je ne sais pas pourquoi les gens divorcent mais je sais pourquoi j'ai divorcé. Je n'ai aucun regret face à cette décision qui a bousculé toute la structure de ma vie. Par contre, aujourd'hui, je suis heureuse d'avoir fait ce choix. Combien de gens poursuivent leur relation dans les querelles continuelles pensant être mieux que les autres, croyant qu'ils ont réussis leur vie. Ça prend du courage, de la force de caractère, un sens des valeurs développé, de la patience et tant d'efforts pour réussir à passer au travers un divorce. 

Ma fille la plus jeune a essayé de se suicider à l'âge de 15 ans, «son prétexte», notre divorce. Suite à ce geste, nous avons repris notre relation pensant qu'il était important d'assumer nos choix dans l'harmonie. Dix jours plus tard, et nous sommes séparés pour ne plus reprendre. Nous avions compris que l'amour de se dirige pas et que les enfants ne peuvent pas même par leur tentative de suicide allumer la flamme qui s'est éteinte. Donc, ne vous sentez pas coupable d'une décision qui se prend à deux. Votre fils vivra peut-être un jour cette réalité qui fait partie de notre société. Une montagne de sentiments difficiles à vivre mais qui fait grandir l'humain!.. dans son plus profond. 

Puis-je vous inviter à participer à nos périodes sur le Chat. À tous les dimanches les membres de notre équipe partagent avec les participants qui nous visitent. Aussi, à partir du 7 décembre prochain, Ronald un intervenant en toxicomanie et en alcoolisme sera présent à partir de 20h00 pour répondre à vos questions. Donc, une invitation à partager et ainsi, mieux vivre ces périodes dans vos chaussures de mère! À bientöt, j'espère. 

Je reste confiante que vous trouverez un chemin d'entente pour mieux vivre cette problématique. Je reste à votre écoute si parfois vous avez besoin d'une oreille attentive ou simplement, de quelques mots pour respirer plus aisément. 

Lee, un membre de l'équipe de «Quand la drogue n'est plus un jeu», vous salue.
 


Objet: Re: Partages - Témoignages
Date: Fri, 17 Dec 1999 01:05:35 +0100
De: Lise P
A: result-lfn <lee@quandladrogue.com>

Bonjour Lee, 

Ce soir, je suis désemparée.  Mon fils consomme de la marijuana tous les soirs.  Je ne ne peux plus accepter cette situation.  Et je vois les fêtes arriver et je suis de plus en plus angoissée.  Dites-moi combien devrais-je lui suggérer d'aller dans ne clinique de désintoxication.  Combien de temps pour que cette drogue disparaisse dans l'organisme.  Mon fils me dit qu'il ne peut avoir intoxication avec le pot...  Il ne travaille pas, dort toute la journée et n'a aucune motivation. Dites-moi quoi faire ou dites lui quoi faire.... 

Merci de m'avoir lue 

lise p. 


Objet: Témoignage habillé de désespoir
Date: Fri, 17 Dec 1999 21:51:42 -0500
De: result-lfn <lee@quandladrogue.com>
A: Lise P

Chère Lise,

Nous avons fait parvenir votre message à Ronald Toupin. Étant donné qu’il est un intervenant en toxicomanie et en alcoolisme, il saura certainement vous conseiller adéquatement sur les questions qui concernent sa prise de marijuana au quotidien et ces risques d’intoxication.

Quant à moi, je vous ai répondu le 13 décembre dernier. Dans ma correspondance, j’avais eu plaisir à vous encourager dans des mots qui semblaient optimistes. Ce soir, je me suis empressée de vous écrire puisque cette période de l’année est difficile et fragile pour les familles éprouvant certains troubles de comportement face à la drogue.

Comme vous le savez, je suis la mère d’une jeune fille âgée de 24 ans qui est toxicomane et qui vit dans les rues, sans but et sans espoir. J’ai aussi une autre fille âgée de 21 ans qui évolue bien mais, qui vit difficilement la maladie de sa sœur.

Ce qui me touche dans votre témoignage est cette phrase «Il ne travaille pas, dort toute la journée et n’a aucune motivation». Lise où trouve-t-il l’argent pour se procurer cette drogue? Pourquoi ne travaille-t-il pas? A-t-il un problème physique pour ne pas gagner sa vie ? A-t-il l’intention de se faire vivre par sa mère longtemps? Qui lui achète ses vêtements, ses produits d’hygiène, etc.? Et je pourrais continuer comme cela longtemps. J’ai peine à croire qu’un jeune homme mature et majeur puisse se faire entretenir  par sa mère.

Quant à sa consommation, cela ne m’inquiète pas vraiment. Par contre, il est évident qu’il pourrait augmenter sa prise de produits en la remplaçant pas d’autres comme la cocaïne, l’héroïne, etc. En juillet dernier, quand ma fille est venue me visiter à ma résidence. Elle a passé deux jours chez moi. Elle dormait le jour et se levait dans l’après-midi tard pour se coucher  vers 3 ou 4 heure dans la nuit. Cela m’a pris deux jours pour lui dire que je ne pouvais accepter une telle conduite de sa part. Et là, elle s’est mise à sacrer, à tempêter et à se plaindre de mon incompréhension parentale.

Je travaille pour gagner ma vie. Tous les jours que Dieu m’apportent, je mets mes efforts pour améliorer ma qualité de vie, pour aider mes proches, pour continuer mon apprentissage intellectuel. Je lui ai dit de partir et de ne revenir que si elle voulait suivre une thérapie pour contrer ses dépendances. Elle s’est dite prête quelques jours après. Et maintenant, 3 thérapies plus tard, elle poursuit sa maladie sans projet de thérapie et sans but.

Lise, même si mon enfant consomme, même si ma fille est malade, même si elle ne peut contrôler ses instincts, je ne peux pas accepter qu’elle vive sous mon toit sans rien faire, à dormir toute la journée. Je ne regrette rien face à mes actions du passé. La paresse n’a pas sa place dans notre quotidien. Chacun de nous doit se prendre en main et produire en travaillant peu importe le métier qu’on choisit.

Comme disait cette chère vieille dame «Il n’y a pas de sot métier». Quelle sagesse, elle avait cette personne aux cheveux blancs. Allons-nous subvenir aux besoins de nos enfants toute leur vie? Avons-vous travaillé si fort pour en arriver à ce point? Si ils veulent consommer, ils n’ont qu’à aller le faire dans des lieux plus propices. Je n’ai pas à payer pour qu’elle poursuivre sa destruction physique et mentale sous mes yeux.

Je suis impuissante face aux choix de mon enfant. Elle est majeure et elle peut consommer ce qu’elle veut et moi, en tant que parent, je n’ai aucun droit pour lui interdire de prendre son produit. Alors, j’admets que je suis impuissante à bien des niveaux. Je ne peux la forcer à suivre une thérapie. Je ne peux lui dire quoi porter, quoi manger, quand dormir, etc. Mais, je ne suis pas impuissante face à ma qualité de vie.

J’ai le droit de dire «Assez c’est assez!». C’est mon rôle en tant que parent d’imposer des règles dans ma maison même, si mon enfant est en âge pour décider de ses comportements. J’ai le droit de mettre des limites ou d’exposer clairement mon point de vue face à ses actions à l’intérieur de mon encadrement.

Dans ma chronique, de cette semaine, j’ai décrit les détails relatant les raisons du départ de ma fille en appartement quand elle avait 19 ans. Cinq ans ont passé depuis que j’ai prise cette décision importante, mais je n’ai aucun regret sur ce sujet, aucun…

De l’autre côté de ma médaille, se situe une mère qui s’ennuie de l’enfant qui pleurait sur ses genoux, de la jeune fille aux yeux bleus qui lui racontait ses moments de joie, de l’oiseau qui se préparait maladroitement à prendre son envol. J’accepte de vivre dans l’ombre de mes inquiétudes. Mon enfant poursuit les étapes de sa maladie en …. Je ne peux le dire mais, je sais que je n’accepterais pas qu’elle se laisse aller à rien faire, à fumer du pot au quotidien sans imposer mes règles et sans exiger qu’elle travaille pour gagner son pain.

J’espère que ma réplique, que ma façon d’interpréter mon optique face à sa consommation, ne vous a pas trop surprise. J’accepte de vivre la faiblesse de mon impuissance mais, je ne serai pas son facilitateur. Je n’ai pas à lui faciliter la vie pour lui permette de poursuivre sa descente aux enfers.

Si nos enfants décident de consommer, ils ne peuvent pas s’attendre à revenir  à la maison avec le même confort d’antan. Je suis là pour l’écouter, pour l’aimer, pour la conseiller mais, pas pour la regarder se détruire sous mon toit.

Je vais continuer à vivre ma vie dans la noirceur de son absence!…

Lee, un membre de l'équipe de «Quand la drogue n'est plus un jeu»


Objet: Re: Témoignage habillé dedésespoir
Date: Sat, 18 Dec
De: Lise P
A: result-lfn <lee@quandladrogue.com>

Bonjour Lee,

Merci de votre lettre.
Après cette lettre j'ai fait part à mon fils de notre correspondance. Il m'a dit pourquoi Maman, ce soir me parler de cela encore... je sais qu'il ne veut pas regarder la situation en face pour ne pas se sentir coupable... Je lui ai répondu que j'ai besoin de partager avec des personnes qui vivent le même problème que moi, parce que je dois prendre une décision cela ne peut plus durer...

Merci encore

Lise P.


Objet: Témoignage habillé de désespoir
Date: Sun, 19 Dec 1999 10:15:52 -0500
De: result-lfn <lee@quandladrogue.com>
A: Lise P.

Chère Lise,

Suite à la réception de votre e-mail en rapport à la lettre que je vous ai fait parvenir hier, je m'empresse à vous répondre. Comme dirait mon ami Ronald, vous écrire «dans la simplicité et le gros bon sens»!

Vous me dites que «Il m'a dit pourquoi Maman, ce soir me parler de cela encore. Je sais qu'il ne veut par regarder la situation en face pour ne pas se sentir coupable... Je lui ai répondu que j'ai besoin de partager avec des personnes qui vivent le même problème que moi, parce que je
     dois prendre une décision cela ne peut durer...»

Premièrement, il est certain que votre fils ne veule pas discuter de ce sujet car pour lui tout va pour le meilleur des mondes. Et pourquoi pas, il consomme son produit, il sort et évolue gracieusement dans son monde et il revient à la maison, sous un toit raisonnablement chaleureux pour dormir jusqu'au coucher du soleil.

Quoi de plus merveilleux! Pourquoi devrait-il s'arrêter pour changer cette situation? Tous ces éléments lui conviennent très bien et il entend certainement, de poursuivre dans ce chemin pour un bon bout de temps.

Mes réponses ne pourront que provoquer des discussions courtes et parsemées de sujets de désaccord. Quant à vous Lise, êtes-vous vraiment assez forte et ce, à tous les niveaux pour lui faire face pendant cette période de l'année? Il est important de choisir le moment pour débuter une démarche aussi déchirante que celle-ci. Êtes-vous bien dans votre rôle de parent? Avez-vous la conviction que vous êtes dans la capacité de reproduire vos propres règles face à sa conduite dans votre demeure?

Il est certain que pour le déloger de cette emprise, de cet état végétatif dans un sens, il vous faudra de l'aide d'un spécialiste ou d'un professionnel.

Au moment où j'ai mentionné à ma fille toxicomane que je ne pouvais pas accepter un tel comportement de sa part, j'avais déjà derrière moi, quelques mois de souffrances, de craintes et d'inquiétudes à mon actif. J'avais un bagage dûrement acquis qui me permettait de m'affirmer positivement. Mais Lise, ca fait mal de s'affirmer face à l'être cher!

Et avec l'hiver qui est arrivé. Et maintenant le temps des fêtes, croyez-vous que vous pourrez lui imposer des limites sachant très bien qu'il est possible que la chicane éclate et qu'il se retrouve dans la rue ou chez un ami qui vit des situations pires que la sienne.

Je ne suis pas bien dans mes chaussures, je l'avoue car je vis tant de peut-être et de craintes face aux choix de ma fille. Nos situations se ressemblent, mais chacune demeure une entité unique. Nous avons tous nos niveaux de tolérence, notre capacité d'accepter ou de fermer les yeux ou d'affronter la réalité qui se dessine devant notre coeur de parent. De plus, nous avons tous un exemple laissé par nos parents qui souvent nous aident à réagir devant des situations parfois intolérables.

Moi, je n'ai pas eu la chance d'évoluer au sein d'une famille équilibrée. Par contre, je suis capable d'apprendre de mon prochain, de ceux qui possède cette sagesse transmise par leurs parents ou leurs proches immédiats. Je peux assurément, change mon fusils d'épaule à l'écoute des autres qui ont soufferts et grandit à travers la toxicomanie d'un proche.

Il va vous falloir beaucoup d'ingrédients pour être capable de poursuivre votre démarche et pour vous affirmer honnêtement. Votre chemin va être possiblement rempli d'obstacles car votre fils n'a aucune intention de vous aider ou de vous écouter même si votre bâteau chavire lentement, car selon moi, son bien-être demeure sa priorité, son essentiel.

Pour toi, je souhaite que tu développes une force intérieure pour pouvoir combattre et lutter contre ton impuissance et contre la culpabilité qui souvent nous habite.

Avec respect,

Lee, un membre de l'équipe de «Quand la drogue n'est plus un jeu»

 

© 2004-1999 QLDNP1J