LES CORRESPONDANCES DE LEE
Mère

From: Mère (Québec)
To: qldnp1j@gsig-net.qc.ca 
Sent: Sunday, September 14, 2003 11:35 AM

Bonjour à vous,

J'ai vous ai tous lu ..... et je pleure, et je pleure et mes larmes de cessent de couler et j'ai tellement mal et mal pour lui. 

Mon besoin ce matin est de partager mon énorme peine.  Je suis la mère du plus beau des garçons, il a  22 ans, habite avec nous mère, père et pour ma part, la cohabitation est devenue insupportable.  Je n'en peux plus de le voir se détruire, parce que je fais de même.

Je veux demeurer forte, mais mes forces m'abandonnent.

Aidez-moi, par où dois-je commencer ?  S.V.P. aidez-moi !

N.B. Je suis seule à partager le secret de son enfer lui en ayant fait la promesse.  Il a dit "toi maman tu es forte, c'est pourquoi je peux te l'avouer et je préfère mourir plutôt que Papa le sache".  Et depuis trois semaines, depuis l'aveu de ce secret, c'est moi qui meurs un peu chaque jour.  Et .... JE NE VEUX PAS MOURIR, parce que j'aime la VIE, je l'aime lui, j'aime son père et j'aime son frère.

Merci !


From: Lee 
To: Mère (Québec)
Sent: Sunday, September 14, 2003 4:48 PM
Subject: Nourrir notre goût de vivre!

Chère Mère,

Aujourd'hui, j'ai reçu une copie des deux correspondances que vous avez échangées avec Christian Boucher, le webmestre du site l'Avenir Blanc. Et suite à cette lecture, j'ai une meilleure compréhension vis-à-vis votre dynamique actuelle.

Je suis Lee, mère de deux filles qui sont dépendantes et alcooliques. Emmanuelle fêtera demain ses 28 ans. Elle est piégée depuis 1997 dans ses chaussures de cocaïnomane et d'alcoolique. Quant à Marie-Paule, elle est alcoolique depuis l'an passé et elle est accro au pot depuis quelques années. Elle fêtera ses 25 ans en novembre prochain.

Juste pour vous donner la chance de comprendre les pages de mon livre d'histoires, je vous dirais que j'ai sû trop tard que ma fille était au prise avec un problème de cocaïne. Sa soeur, lui avait promis de ne rien nous dire. Et elle a gardé son secret. Et quand nous l'avons appris, j'ai tombé en pleine face.

Par contre, je comprends aujourd'hui, que même si j'avais été informé cela n'aurais rien changé à mon impuissance de merde. Que puis-je vraiment faire pour les aider? Très peu. Je pense que tout provient d'elles. Veulent-elles de l'aide? Veulent-elles faire les efforts pour entreprendre une thérapie et marier l'abstinence? Ont-elles assez descendu dans leur estime ou ont-elles touché le bas fond suffisamment pour désirer du plus profond de leur coeur, de faire tout en leur pouvoir pour reprendre le contrôle du volant de leur vie?

Nous, les parents, sommes impuissants(es) devant ce phénomène, devant ce fléau qui détruit nos précieux(ses). Et étant donné qu'elles sont majeurs(es) que pouvons-nous faire pour les faire cesser de consommer?

Nos enfants sont maîtres de leur choix. Ils ont ce droit de choisir et nous devons apprendre à travailler sur notre codépendance qui nous fait tant souffrir. Par contre, s'ils choisissent la mauvaise route, ils doivent en assumer les conséquences. Nous n'avons à subir les conséquences de nos erreurs et en plus, de subir les leurs. Oh que non!

S'ils veulent s'enterrer dans leur monde artificiel, c'est leur choix. Honnêtement, sommes-nous des intervenants? Avons-nous la formation nécessaire pour les aider? Nous ne pouvons les aider car nos émotions sont trop bouillantes et trop déchirantes. Nous devons laisser les professionnels faire leur travail. Qu'en pensez-vous?

Vous saviez peut-être que les proches souffrent et ce, sans même consommer. Notre maladie se nomme codépendance. Un mal de vivre qui nous déchire, qui nous dévore et qui nous tue intérieurement et moralement. Sachant que notre désespoir à un nom, nous pouvons essayer de nous guérir et d'améliorer notre sort, pour mieux diriger notre désir de les aider.

Il faut s'aider soi-même, vous savez! Cette phrase peut vous sembler difficile à lire mais c'est le cas.

Si nous réfléchissons ensemble, vous comprendrez que je souffre dans mes chaussures de mère depuis fin 1997. Si je n'aurais pas changer mon fusil de bord, je serais morte intérieurement depuis longtemps. Et pourtant, ma fille Emmanuelle continue sa descente et elle accumule, au fil des ans, des dépendances.

Voyez-vous, au début, elle n'était que cocaïnomane. Mais maintenant, elle est cocaïnomane, toxicomane, alcoolique, dépendante aux médicaments, elle souffre de problèmes reliés à la nourriture, et elle est dépendante affective. Oh, j'oubliais, elle démontre des signes évidents d'une dépendance aux jeux.

Alors, que puis-je faire? Heureusement, que j'ai compris que je ne suis pas maître de sa vie.

Aussi, je ne dois pas être une facilitatrice. Ce qui veut dire que je ne dois pas lui fournir d'argent ou de moyens pour faciliter sa consommation. Je ne dois pas payer ses dettes. Elles doivent assumer les conséquences de leurs gestes vis-à-vis leur consommation. 

Donc, quand je les aide, je me pose plusieurs questions avant de faire le geste tant désiré. Et croyez-moi, qu'au cours des années, que j'ai soigné ma culpabilité et que je comprends que ce n'est pas de ma faute si elles sont malades. Toutes les deux reconnaissent leurs faiblesses et elles m'ont fait comprendre que je ne suis pas la cause de leur chûte.

Quant à votre fils, il ne vous a pas fait de cadeau en vous confiant son secret. Tout un cadeau empoissonné, je dirais! Comment peut-il oser vous demander de cacher cet énorme secret de votre mari. Est-ce possible de demander une telle chose. Il est malade et il va devoir assumer sa consommation.

Et vous, chère Mère, il faut cesser de le surveiller. Il existe des groupes familiaux au Québec, pour aider les proches à contrôler leurs inquiétudes. Ils se nomment les groupes Al-Anon et/ou les groupes Nar-Anon. Je me sers de leur sagesse quand je perds mes plumes et que je tombe de ma branche.

Quand je parle à ma fille aînée, j'ai appris à ne plus pleurer pour ses choix de vie. Il m'a fallu travailler très fort pour arriver à mieux vivre mon impuissance.

Et je ne vous dessinerai pas mes pertes et ses pertes, elles sont trop nombreuses. Tout ce que je vous dirai, c'est qu'elle a 28 ans et qu'elle paraît d'une femme de 35 ans. Dois-je pleurer? Non, je dois comprendre que j'ai fait mes choix dans ma vie et que j'ai appris mes leçons de vie. Et que tout comme moi, elles ont le droit d'avoir leurs pages de succès et d'échecs. 

Je dois apprendre à vivre des moments habillés de honte, d'inquiétudes, de désespoir, et tant plus. Mais tous les jours, je dois travailler à conserver mon équilibre et ma paix intérieure. Aussi, il faut que je nourrisse mon goût de vivre. Mourir, n'est pas la solution! Ce serait trop facile de baisser les bras.

Retroussez vos manches et allez participer à des réunions. Ces gens sauront vous outiller et vous aider à mieux vivre les étapes reliées à ce fléau qui déchire trop de familles.

Et peut-être qu'un jour, tout comme moi, vous aiderez d'autres qui souffrent de la codépendance et de sa noirceur, si lourde à porter.

Une équipe à l'écoute «Quand la drogue n'est plus un jeu»

Lee qui marche à vos côtés


From: Mère
To: Lee 
Sent: Sunday, September 14, 2003 9:26 PM
Subject: Re: Nourrir notre goût de vivre!

Bonsoir Lee,

Tout comme j'ai remercié Christian pour sa diligence, mes remerciements s'adressent à vous également.  Comme c'est gentil de me répondre.  Dans la voiture au retour d'une balade, j'étais anxieuse d'arriver et vérifier si j'avais reçu du courrier.  Tout comme je l'écrivais à votre collaborateur, Christian, j'ai pleuré tout le long du trajet, heureusement que j'étais seule et j'ai pleuré, j'ai crié ma peine et ma prière.  Je suis à bout pour ce soir, il faut que que j'aille au lit pour tenter de dormir, me permettez-vous de vous écrire à nouveau demain et plus encore, soit autant que le besoin de partager avec vous se fera sentir ? 

Merci encore !


From: Lee 
To: Mère
Sent: Monday, September 15, 2003 5:48 PM
Subject: Re: Nourrir notre goût de vivre!

Bonjour,

En réponse à votre court message, je vous dirais que vos remerciements me font grand plaisir au coeur. Il est rare que nous recevions des remerciements aussi chaleureux.

Et oui, si vous le désirez, vous pouvez continuer à correspondre avec moi. Il est évident que je comprends votre dynamique et votre détresse car ma fille aînée est piégée dans une situation similaire à celle que vit votre fils.

Par contre, si vous le permettez, il faut que je vous précise que toutes les correspondances auxquelles je réponds sont inscrites dans notre section «Courrier». N'oubliez pas que nous conservons l'anonymat des personnes qui échangent avec nous et que nous effaçons tous les détails personnels qui pourraient nuire au secret de la vie privée.

Aussi, quand je réponds aux correspondances de mères en provenance de Christian, je lui fais parvenir la première réponse. Et il l'insère dans ses pages et ce, dans le but d'aider d'autres mères qui souffrent en silence.

Nous inscrivons le fruit de notre travail car le monde de la toxicomanie et de l'alcoolisme est trop souvent habillé d'un sentiment d'isolement. Et à cet égard, il est important d'outiller les gens et de leur montrer que d'autres souffrent comme eux, de vivre d'impuissance vis-à-vis leur proche et qu'ils se battent pour trouver l'équilibre et/ou pour la conserver.

Ayant lu cette note, si vous êtes toujours en accord, je répondrai à toutes vos correspondances. Et je le ferai, en utilisant le meilleur de mon bagage acquis dans mes chaussures de mère.

P.S. Aujourd'hui, tel que mentionné dans ma première correspondance, ma fille Emmanuelle fête ses 28 ans dans ses chaussures de cocaïnomane et d'alcoolique. Et même, si j'écris ces faits, j'ai appris à ne plus pleurer.

Je vous souhaite de trouver votre équilibre dans cette dynamique qui trop souvent déchire les familles unies.

Une équipe à l'écoute «Quand la drogue n'est plus un jeu»

Lee qui marche à vos côtés
 

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