LES CORRESPONDANCES DE LEE
Annick J

Objet: co-dépendante avec mon fils de 28 ans
De:  Annick J (France) 
Date:   Ven 5 novembre 2004 3:19 
À:  lee@quandladrogue.com 

Comment puis je me sortir de cet enfer qui me ronge et me gâche la vie je le sais mais c'est plus fort que moi.
 
 


Objet:   La clé de survie! 
De:   "Lee" <lee@gsig-net.qc.ca> 
Date:   Sam 6 novembre 2004 9:16 
À:   Annick J

Chère Mère,

Et à votre cri de désespoir qui se lit «Comment puis-je me sortir de cet enfer qui me ronge et me gâche la vie? Je sais mais c'est plus fort que moi», je répondrais que vous savez la recette mais, que vous n'êtes pas prête à changer votre fusil de bord. Est-ce que je me trompe? 

Au cours des dernières années, j'ai reçu tellement de lettres en provenance de mères qui crient leur trop et qui demandent la recette pour guérir leur impuissance. À chaque lecture, je tends ma main en signe de compassion car, je comprends leur problématique.

La clef de survie réside dans le détachement.

En tant que Mère, en tant que Père, nous sommes tellement obsédé par les comportements de notre enfant, que nous refusons d'y voir clair. Notre enfant nous blesse mentalement et parfois, physiquement et toujours, nous essayons de le couvrir pour lui éviter de vivre trop de périodes difficiles. Et à travers notre protection insensée, on se déchire, on se blesse et on meurt à petits feux. 

Et comment survivre dans notre rôle? Il est écrit «Le détachement n'est ni bon, ni mauvais. C'est simplement un moyen de débuter notre rétablissement. Il nous permet de prendre un recul afin d'analyser notre situation plus objectivement. En employant cet outil, nous commençons à avoir des réactions positives qui nous permettent de prendre des décisions plus saines et équilibrées. Quand nous nous détachons des
problèmes du dépendant, cela veut dire que nous devons l'aimer et l'aider en lui donnant la liberté de régler ses problèmes.» L'auteur poursuit en disant «Il nous faut pour ce, apprendre à ne pas se sentir responsable de la maladie et des réactions du dépendant. Ceci est un point décisif. Aussi longtemps que nous nous sentirons responsable de leur consommation ou des conséquences de  leurs gestes, nous seront pris dans l'insanité que l'on attribue à cette maladie.»

Ce texte a été emprunté aux Groupes familiaux Nar-Anon. Je suis convaincue qu'ils accepteront que j'utilise leur sagesse pour aider une mère à mieux nager dans cette marre de noirceur.

Depuis 1997, j'ai appris à lâcher prise et dans cette démarche, j'ai embrassé le plancher du désespoir. Et trop souvent, je me sentie coupable de lui avoir donné la vie. 

Hier soir, j'ai été visiter ma fille Marie-Paule. La semaine prochaine, elle fêtera ses 26 ans. Depuis plus d'un an, elle est piégée dans son alcoolisme et dans sa prise de pot. Dans notre rencontre, elle m'a donné des photos qu'elle a prise lors de la visite de sa soeur aînée Emmanuelle âgée de 29 ans. J'avoue que j'ai passé et que je vais continuer à étudier ces photos car ça fait presque 3 ans que je n'ai pas
vu mon enfant. Certes que les coupables de notre séparation sont l'alcool, la cocaïne, les pilules, etc. Mais malgré cette vérité, je reste attristée par l'éclatement évident de ma petite famille.

Et pour ces raisons, j'ai dû apprendre à modifier mes comportements pour survivre. Mes filles sont toutes les deux malades et dépendantes. Et je les aime avec un détachement d'amour. Je garde une certaine distance pour ne pas sombrer devant mon mur d'impuissance.

Pendant une conversation téléphonique que nous avons eu la semaine passée, Marie-Paule m'avait dit que si je lui demandais d'arrêter de consommer (drogue et alcool) qu'elle le ferait. Elle a continué en me disant que si je la menaçais verbalement comme bien des proches le font comme «Si tu nous aimais vraiment, tu cesserais ta consommation». Je lui ai expliqué que je ne jouerai pas à ce jeu. Il est évident qu'elle doit par elle-même trouver le courage de changer les choses. Je ne peux pas la manipuler ainsi car tout risquerait de se détériorer davantage. Et je
n'aurais que moi à blâmer. Il ne faut pas jouer avec le mental de celui ou de celle qu'on aime même si il marche sous sa parapluie artificiel. Nous n'avons pas les connaissances voulues pour prendre ce risque. Les spécialistes savent où la frontière du non retour se situe, nous les parents, nous ne le savons pas. Et nous risquerions de leur nuire fondamentalement et de nous noyer à tenter de les sauver. J'ai souvent dit «Si on ne sait pas nager, on ne peut aider quelqu'un qui se noie».

La toxicomanie, l'alcoolisme, etc. sont des dépendances qui déchirent et qui enterrent. Il faut être prudent pour ne pas sombrer intérieurement.

Souvenez-vous qu'avec le temps, que «le sentiment d'insécurité qui vous habitait, fera place à la confiance pour éventuellement vous mener à la sérénité. Parvenir au détachement est un cheminement lent, parsemé de douleurs et de victoires, qui nous rapproche de notre Puissance Supérieure. Il ne se fait pas de façon rapide et facile.»

Les groupes Nar-Anon terminent sur cette note «Acquérir le détachement comme un trait de notre caractère demande de l'appui et des efforts.»

Et pendant ce temps, j'apprivoiserai les deux photos de ma Précieuse avec détachement et avec un regard d'impuissance habillé d'une certaine sérénité.

Une équipe à l'écoute «Quand la drogue n'est plus un jeu»

Lee
 

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