| LES CORRESPONDANCES DE LEE |
Pascal
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Objet: Question De: Pascal Date: Mer 15 décembre 2004 À: lee@quandladrogue.com Bonjour, Voici ma question...Je suis
en relation avec un homme depuis 1 an 1/2. Il avait cessé de boire
pendant 11 ans et avait recommencer tranquillement 1 an avant que nous
nous rencontrions. Après 6 mois, il est entré en cure fermé
pour 3 semaines. Tout s'est bien passé pendant presque 1 an mais
voilà qu'il est repartie de plus belle. La grosse rechute. Il m'a
même dit que pour la première fois de sa vie il avait des
pensées suicidaires. J'ai tenté de la conseiller, de le guider
vers les thérapeutes, je lui ai dit qu'il devrait retourner aux
AA mais après 1 rencontre seulement il a cessé et il est
retourné à la consommation. Je sais que je suis maître
de ma vie, que si je ne veux pas de cela dans ma vie , je n'ai qu'à
partir et si je n'avais pas les sentiments que j'éprouve pour lui,
je l'aurais probablement quitté... Ce qui m'inquiète beaucoup,
c'est que c'est le 2e conjoint de se genre que j'ai. Le pire c'est que
les coïncidences sont même bizarres...Les deux se ressemblent,
ils sont nés la même année et à un jour d'intervalle...les
deux n'ont pas eu de père... Il est clair que je me demande si ce
n'est pas moi le problème...
J'aimerais vraiment savoir,
quelle attitude adopté face au comportement de mon conjoint...Nous
ne vivons pas ensemble, il a deux enfants de son premier mariage mais nous
n'en avons pas. Est-ce que je dois me fâcher contre lui? L'ignorer?
Pleurer? Crier? Je suis inquiète de ce qu'il pourrait faire avec
ses idées noirs...
Aidez-moi s.v.p à voir clair, je ne sais plus où j'en suis, c'est ça la vérité... Merci et j'attendrai de vos
nouvelles.
Pascal
Objet:
Porter ses propres chaussures!
Bonsoir à vous, J'aimerais
débuter ma correspondance en me décrivant et ce, dans le
but de vous permettre d'avoir un meilleur dessin de la personne qui répond
à votre questionnement. Je suis Lee. J'ai deux filles qui souffrent
d'être dépendantes.
Je suis aussi la fille d'une mère alcopharmaco dépendante. Mon frère et ma soeur aînés sont alcopharmaco dépendants. Donc, ce portrait dessine très bien l'impuissance que je vis depuis longtemps avec la consommation de mes proches et de mes filles. Prenez note que je ne suis pas une spécialiste dans ce domaine. Je réponds à des correspondances depuis février 1999. Grâce à mon bagage de vie et à mon expérience personnelle en tant que mère, en tant que fille d'une mère maladivement jalouse et dépendante, je peux dire que je connais le langage de la co-dépendance. Connaissez-vous le sens du mot co-dépendance? Il y a plusieurs définitions que je pourrais utiliser pour le décrire. C'est un mal de vivre que l'on ressent et qui nous détruit intérieurement. Dans mon cas, quand mes filles consomment, et qu'elles me confient les conséquences de leurs actions vis-à-vis leur prise de drogue et de boisson, je brûle moralement. Je me couche en pensant à leurs pages de difficile et je me lève, en m'inquiétant. Je passe d'une noirceur à l'autre. Dans le livre intitulé «Espoir pour les mal-aimés» de l'auteure Yolande Vigeant, je crois qu'elle avait écrit cette définition «La co-dépendance c'est quelqu'un qui veut donner quelque chose qu'il n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas.» J'aime! Retournons à vos moutons si vous le voulez bien. Votre correspondance transpire l'incertitude que vous vivez dans votre relation. Je crois que vous êtes devant une évidence qui vous tue intérieurement. Je débuterai en vous disant que je ne doute pas que vos sentiments sont forts et réels. Par contre, je crois que vous connaissiez la dynamique qui habite ceux et celles qui sont dépendants et qui ont un problème de surconsommation. Vous aviez, si j'ai bien compris, déjà vécu dans une relation avec un homme qui nageait sous l'aile de cette problématique. Il est intéressant de constater que vous avez choisi deux hommes qui possèdent des points si similaires. Leur âge, l'absence du père dans leur vie et finalement, leur alcoolisme. Quant
à savoir si votre choix d'homme serait causé par votre manque
de jugement, par l'attirance physique ressentie ou simplement, parce que
vous n'avez peut-être pas compris vos leçons de vie... Il
est possible que vous pensiez que la première expérience
vous avait outillée suffisamment et pour ces raisons, vous étiez
prête à faire face à la deuxième. Et parfois,
même si deux personnes ont la même date de
Par contre, vous avez compris une grande leçon puisque vous avez consommé pour vous rapprocher de votre amoureux dépendant. Et par cette expérience, vous vous êtes noyée. Heureusement, 1an plus tard, vous avez repris le contrôle du volant de votre vie. Vous avez été chanceuse d'avoir trouvé vos réponses sans perdre vos acquis. À travers votre questionnement, je découvre plusieurs inquiétudes : Devriez-vous vous fâcher contre lui? Ou peut-être l'ignorer, pleurer, crier? Premièrement, je vous dirais qu'il est évident que le prix à payer pour survivre à cette problématique est lourd. Je crois que vous ressentez de l'agressivité envers lui et que vous aimeriez lui brasser la cage. Vous avez peut-être l'impression qu'il ne réalise pas l'impuissance que vous ressentez à vivre dans votre relation. Et la liste est longue... Je vous dirais qu'il voudrait s'en sortir, qu'il désire sincèrement trouver sa bouée mais qu'il n'est pas capable. Il est malade. Il n'aime pas se regarder dans le miroir. Il n'accepte pas de toujours replonger dans ce malaise qui le dévore depuis trop longtemps. Il a besoin d'aide mais il ne veut pas cesser sa consommation. Il n'est pas prêt à entâmer une démarche sérieuse d'abstinence. Que pouvez-faire? L'avez-vous déjà accompagné dans une réunion AA? J'ai personnellement fait cette expérience. Et j'ai trouvé certaines réponses. Il
faut se rappeler que nous n'avons pas les capacités pour marcher
à leur côté. Nous ne sommes pas des spécialistes
dans ce domaine. Et quand les sentiments sont forts, nous risquons de perdre
trop de plumes à essayer de les aider et de les secourir.
Quant à votre peur qu'il se suicide. Je pense qu'une personne qui consomme, démontre déjà des signes d'auto-destruction. Ils ont de la difficulté à effacer leurs cassettes négatives qui polluent leur confiance et leur positif. Mes filles ont fait un court séjour à l'hôpital. Toutes les deux ont fait une tentative de suicide. Je sais ce que c'est que de vivre dans la crainte qu'un jour ou l'autre, elles refassent ce geste insensé. Toute ma vie, je vais me nourrir d'inquiétudes. C'est pas drôle! Puis, un jour, j'ai ressenti ce désir de vouloir quitter ce monde. Je me voyais partir, tout naturellement. La vie était noire, tout simplement. Comment aider quelqu'un qui ne veut plus vivre? L'écoute active, je vous dirais. Mais écouter quelqu'un qui est vidé, qui est détruit par son champs de ruines, ça vide. Il faut apprendre à rester dans ses chaussures. Ne pas chercher à porter les chaussures de l'autre. Et c'est pas facile comme approche. Dans le cas de votre conjoint, il a besoin d'aide et d'encadrement. Il crie à l'aide et cherche une bouée pour s'accrocher. Il n'est pas prêt à suivre une thérapie sérieuse et à participer aux réunions AA, d'une façon assidue et constante. Il vit peut-être dans le déni? Et comme vous le savez, ceux qui souffrent de problèmes reliés à la surconsommation sont maîtres dans la manipulation de l'autre, de ceux qui les aiment. Vous ne pouvez continuer à porter ce fardeau. Vous ne pouvez pas être certaine qu'il ne mettra pas fin à ces jours. Alors, allez-vous continuer à porter ce chapeau d'incertitudes vis-à-vis ses choix de vie? C'est lourd, trop lourd. Il a 11 ans de consommation, il connaît très bien les ressources existantes. Il sait très bien à quelle porte frapper pour débuter une démarche de reprise en main. Vous me dites que vous aimeriez savoir que vous avez tout essayé avant d'envisager de le quitter. Qui peut se vanter d'avoir tout essayé? Dans cette tentative, vous risquez de vous perdre, de tout perdre. Peur qu'il se suicide, peur que ses idées noires le projette dans l'autre monde, peur, peur, peur... Avant de terminer cette lettre, j'ai pris le temps de consulter certains livres dans ma bibliothèque. J'aimerais vous reproduire quelques lignes du livre Ces femmes qui aiment trop. «Mes parents ont un problème d'alcoolisme. (ce qui n'est pas votre cas). Si, moi, je ne bois ni ne me drogue, je me rends compte aujourd'hui de ma grande dépendance envers les hommes autodestructeurs. J'ai tenté de contrôler les trois hommes de ma vie en recourant aux menaces, au chantage, aux éloges, aux réprimandes et à tout autre moyen qui me semblait efficace sous l'inspiration du moment. Je sais maintenant que je ne suis pas meilleure qu'eux, que mon autodestruction vaut bien la leur, puisque seuls les hommes dépendants et immatures m'attirent. Je suis incapable de m'attacher à un homme sain et autonome...» Elle termine sur cette note «Recevez les meilleures salutations d'une dépendante-des-hommes en voie de guérison.» Est-ce possible que vous fassiez partie des femmes qui aiment trop? Puis-je vous suggérer de lire le premier tome de cette série. L'auteure Robin Norwood décrit simplement en utilisant des morceaux de témoignage, les caractéristiques qui habillent celles qui se perdent dans des relations de dépendance. Je pense qu'il serait intéressant d'utiliser votre énergie et vos efforts que jusqu'ici vous avez déployés pour changer vos conjoints, en vue de vous changer vous-mêmes. Vous avez la chance de vivre seule. Vous avez l'opportunité d'entreprendre une démarche pour atteindre votre propre rétablissement. La guérison du Soi commence au moment où on se réapproprie son énergie pour se rétablir. Et quand vous aurez retrouvé votre équilibre, vos réponses vous viendront plus facilement. Je vous laisse sur ce vieux dicton chinois qui décrit bien l'évolution de l'alcoolisme et, du même coup, de toute dépendance : L'homme
prend un verre.
Une équipe à l'écoute «Quand la drogue n'est plus un jeu» Lee
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