LES CORRESPONDANCES DE LEE
Lae R

Subject: FAUT-IL TOUJOURS ESPERER ?
From:    Lae R
Date:    Mon, February 14, 2005 11:22 am
To:      lee@quandladrogue.com

Bonjour Lee,

Ce message pour évacuer tous le mal-être que je ressens, peu importe quelle sera votre intérêt il faut que je témoigne ce que je ressens.

J'ai rencontré mon ami en cure de désintoxication, à hôpital il Ya un peu plus de 2ans. 

Je suis une jeune fille très fragile même si mon apparence montre le contraire, c'est pour cette raison que les gens qui m'entourent ne s'appercoient pas ou ne comprennent pas ce que je ressens.

Cela fait 2 ans que je lutte pour celui que j'aime, pour qu'il arrête toute ces drogues, tous les jours je veux espérer j'essaye d'y croire mais je suis a bout et me demande si cette dépendance s'arretera un jour!

Je l'aime plus que tout et ferai n'importe quoi pour que cela s'arrete seulement je ne trouve plus de solution.

Parfois je désire l'oublier pour enfin pouvoir être heureuse mais je n'y arrive pas.

"Une impression que la drogue empoisonne ma vie alors qu'elle empoisonne celle de mon ami."

Avec tous vos témoignages pensez vous que je puisse encore croire à ce qu'il arrête un jour? Une question, la schizophrénie a t elle un rapport évident avec la dépendance au cannabis? L'amour peut il sauver la dépendance? si oui comment?

Même sans réponse à ce message, j'éprouve du plaisir a pouvoir m'exprimer.

Merci de l'attention prise pendant cette lecture.


Subject:   Re: FAUT-IL TOUJOURS ESPERER ?] 
From:   "lee" <lee@gsig-net.qc.ca> 
Date:   Tue, February 15, 2005 9:11 am 
To:   Lae R

Bonjour,

Je m'empresse à te répondre car ta correspondance est habillée d'un mal-être que je connais. Je suis Lee et je suis co-dépendante vis-à-vis la surconsommation de mes deux filles. Je suis piégée dans mon impuissance depuis 1997. Et depuis, j'essaie de survivre émotionnellement aux dégats que laissent ces maladies sur notre famille.

Il y a six ans quand nous avons fondé ce site web, un de nos visiteurs m'a gentiment expliqué que le mal de vivre que je ressentais était appelé «la co-dépendance». Plusieurs années plus tard, dans le livre de l'auteure Yolande Vigeant j'ai trouvé une autre définition de ce terme : La co-dépendance c'est quelqu'un qui veut donner quelque chose qu'il n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas.

La toxicomanie d'un proche ou d'un conjoint affecte fortement notre vie. Nous sommes confrontées à des situations difficiles qui mettent en péril notre équilibre. Nous les proches nous ne sommes pas outillés pour aider efficacement celui qui souffre de surconsommation. Nos émotions sont difficiles à contrôler et nous risquons de nous noyer dans nos tentatives maladroites.

Il m'a fallu du temps pour comprendre que je ne pouvais pas aider efficacement mes filles. Et à cet égard, nous retrouvons des groupes, des associations, des spécialistes de qualité qui oeuvrent dans ces dommaines. Laissons-leur la chance de faire leur travail. Quant à toi, j'aimerais t'éclairer pour que tu puisses faire des choix constructifs et arriver à une  vie pleine et satisfaisante.

Ton ami est piégé dans sa dépendance aux drogues, n'est-ce pas. Personnellement, j'ai une dépendance à la cigarette. Depuis que j'aie 14 ans je lutte contre cette dépendance. Pour ton information, j'ai cessé de fumer en mai 1998. Depuis, je n'ai pas touché à aucune cigarette. Certains pourraient croire que ma bataille est gagnée et que je terminerai ma vie en conservant ce contrôle sur la cigarette. Non! Toute ma vie, je serai à risque de rechuter. Je suis une fumeuse et il me faudrait qu'une seule cigarette pour débuter mon calvaire à nouveau. Et crois-moi que si j'en fume une aujourd'hui; demain, j'en fumerai 20. J'aimais fumer et je demeurerai toujours accro à la cigarette donc, je suis toujours dépendante de la cigarette. En résumé, pour le reste de mon existence, je ne pourrai plus me permettre d'embrasser aucune cigarette ou je risquerai de marier cette dépendance à nouveau.

Maintenant, il est important que tu comprennes que ton ami est dépendant. Il est malade et il a besoin d'endormir ses émotions sous son parapluie artificiel de drogues. Comme bien des consommateurs, il cherchera à marier l'abstinence seulement quand il aura touché le fond de son abîme. Et seulement à ce moment-là, il sera prêt à faire les efforts pour débuter une thérapie sérieuse. 

À titre d'exemple, depuis qu'elle est piégée ma fille aînée Emmanuelle a débuté 4 thérapies. À quatre reprises, elle s'est fait jeter dehors pour des raisons d'indicipline et problèmes comportementaux. Jamais elle n'a réussi à se rendre jusqu'à la fin de sa démarche d'abstinence et de ressourcement du Soi. Et présentement, elle vit dans le complet déni vis-à-vis sa prise de drogues, de boissons et de pilules.

Retournons à ton ami, quand tu l'as rencontré il était en désintoxication. Malgré ce cheminement constructif, il n'a pas réussi à reprendre le contrôle de sa vie. Il connaît les solutions pour arrêter sa consommation. Il n'est simplement pas prêt à se donner entièrement pour lutter contre ses faiblesses et pour travailler sérieusement à son rétablissement. Par contre, je suis convaincue qu'il donnerait beaucoup pour avoir le courage et la détermination pour cesser sa consommation. Il est malade et il souffre intérieurement devant son champ de ruines.

Dans des relations affectives comme la vôtre, il est évident que tu es à risque de souffrir. Deux ans se sont écoulés et tu ne vois pas le bout du tunnel. Tu sens peut-être que ta vie t'échappe et que tu marches vers des petits riens. Votre fondation relationnelle est complexe et fait obstacle à votre liberté d'être et de devenir.

Dans ta phrase «Une impression que la drogue empoisonne ma vie alors qu'elle empoisonne celle de mon ami.» Dans tes mots, maintenant tu peux comprendre que tu te baignes dans ta co-dépendance. Sans même consommer, à chaque fois qu'il rechute, tu as l'impression de tomber un peu plus bas, de t'enterrer dans ta marre d'impuissance. Un sentiment de perte, de vide et de désarroi. Tu es maintenant outillée pour comprendre ce mal de vivre qui t'habite, n'est-ce pas!

Tu me demandes «Avec tous vos témoignages, pensez-vous que je puisse encore croire à ce qu'il arrête un jour?». Je te dirai qu'il faut nourrir l'espoir en Soi. Par contre, sois consciente que ton conjoint sera toute sa vie à risque de faire des rechutes. Même si il fait des thérapies sérieuses et réussies, il sera confronté à ce terrible dilemme «consommer ou ne pas consommer».

Mes filles sont malades et toute leur vie, mêmes si elles réussissent un jour à cesser leur consommation, elles seront à risque de recommencer à nouveau! Mais il faut aussi se souvenir que les rechutes font partie de la guérison.

Tu me poses une deuxième question «La schizophrénie a-t-elle rapport évident avec la dépendance au cannabis?» Aujourd'hui, avec le taux élevé de THC dans cette drogue qui se disait douce, les effets secondaires continuent de nous surprendre. Trop souvent, les intervenants sont confrontés à des droguers qui souffrent de plusieurs dépendances. Ils mélangent la drogue à la boisson, aux pilules, et tant plus. Les effets néfastes se multiplient sur le corps et sur le mental de la personne affectée. La perte de contact avec la réalité est souvent constatée.

Dans ma situation, ma fille Marie-Paule est âgée de 26 ans. Elle est accro au pot. L'an passé, elle s'est retrouvée à l'hôpital dans l'aile psychiatrique. Le lendemain, elle est retournée chez elle. À son retour, elle a continué à consommer même si elle avait vécu une situation inquiétante qui l'avait désarmée de la tête au pied.

Quant à ta troisième question «L'amour peut-il sauver la dépendance?» Je te dirais que Non. Tant de familles à travers le monde prient, pleurent, supplient, implorent tous les saints, font des promesses à leur Dieu, mais sans succès. Il est écrit «On n'a pas plus le droit de déclarer: Si tu m'aimais, tu ne prendrais plus de drogues...». Seul le dépendant possède la clé de son rétablissement. Tu ne peux pas avaler le remède pour lui, n'est-ce pas! Il doit choisir et agir de son plein gré s'il veut se rétablir. 

Puis, tu termines en écrivant «Si oui, comment?» Souviens-toi qu'aucun amour de peut survivre à des comportements d'injustices répétées de la part des dépendants. Les proches paient un fort prix pour leur présence dans leur vie. Nous subissons les conséquences de leur surconsommation. Malgré leur pardon, leurs remords répétitifs, il arrive un temps où la souffrance prend trop de place dans notre relation affective et pour survivre, nous devons apprendre à solutionner nos problèmes personnels générés par des comportements irresponsables et destructifs de l'être piégé. Le rétablissement commence par notre propre rétablissement.

En espérant que mon ouverture et ma transparence sauront t'éclairer dans ta quête de bonheur. 

Une équipe à l'écoute «Quand la drogue n'est plus un jeu»

Lee qui marche à tes côtés
 

 

© 2005-1999 QLDNP1J