LES CORRESPONDANCES DE LEE
Lucie
Pour lire le partage «Le pot qu'on disait inoffensif »
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From: Lucie 
To: result-lfn@gsig-net.qc.ca 
Sent: Thursday, May 11, 2006 12:07 PM
Subject: Le pot qu'on disait inoffensif - après 7 ans

Bonjour à vous tous,

31 janvier 2006

7 ans plus tard et vous y êtes toujours.  Il y a de cela bien des années, je vous ai écrit au sujet de « mon fils ».   Mes lettres sont toujours là sous la rubrique « Le pot qu’on disait inoffensif ».  Sept ans et quelques séances de thérapie, une pour moi, plusieurs pour mon fils.  Et comme on pensait que c’était la fin, il s’est ancré juste un peu plus profondément, cette fois-ci dans le crime.  Il n’est pas très méchant, juste beaucoup toxicomane.  Il a donc été arrêté pour possession de cocaïne.

Bien sûr que je souffre de codépendance, mais quand vous m’en aviez parlé en 1999, je n’avais pas compris ou pas voulu entendre. En 2001, j’ai compris et j’ai suivi une thérapie.  C’était pour moi une révélation.  Depuis, j’ai retrouvé la paix intérieure, du moins en grande partie.  Mon changement de comportement a forcé mon fils à modifier son comportement, mais il en est actuellement à sa troisième thérapie si on omet Boscoville.  On trouve que son discours est changé, on croit qu’il a des chances de s’en sortir mais quand je relis ce que j’ai écrit il y a 7 ans, je réalise qu’il pourrait encore être au DIRE.  J’espère que non.  En avril dernier, il a transformé sa vie, a commencé à travailler mais il a gardé secrètement son désir de consommer.  Ça lui a coûté cher, peut-être même quelques années de liberté.  Est-ce suffisant pour lui faire changer d’idée.

11 mai 2006

Mon fils est sorti de désintox et est en attente de son procès.  Dieu que cette dernière thérapie lui a été serviable.  Il est capable de nous faire part de ses émotions, il a même appris à aider les autres à gérer les leurs.  Bien sûr, la prison lui fait peur et ça l’aide à se tenir tranquille mais son discours est complètement changé.  Il avoue avoir souffert d’une intense paranoïa causée par la réelle crainte de représailles mêlée à sa consommation de pot et de speed.  La paranoïa était toujours présente un an plus tard et il a rechuté, tombant cette fois-ci dans la bière et la cocaïne.  Il s’est réussi à cesser sa consommation de cocaïne (fumée) avant d’être arrêté.  La nouvelle thérapie l’a amené, pour une fois, à travailler sur les idées négatives qu’il entretenait depuis l’âge de 15 ans.  Il a aujourd’hui 25 ans et rêve de refaire sa vie.  Il est fragile, il le sait, et ne se gêne pas pour le dire.

Tant quà moi, je continue à être préoccupée mais je sais maintenant que ça lui appartient.  Il commence à dire que malgré qu’il m’a tassée à l’adolescence, j’ai toujours été à ses côtés, ne ménageant pas d’efforts pour le guider, sans le contrôler ni être contrôlée.  Il dit : « J’pense que j’me suis tanné de toi ».  Il dit aussi : Je veux me tenir avec des personnes positives et il le fait.  Il évite tous ceux qui ne le sont pas.

Je sais qu’il frôle la maladie mentale ou la prison, ça n’augure rien de bon, mais je continue à prier pour qu’il décide reste debout cette fois.  Une bonne nouvelle, sa sœur commence à bien réagir à tout cela.  Elle tente de reconstruire le lien entre elle et lui.  Ça ne peut qu’être bénéfique pour tous les deux.  De plus, il a décidé d’habiter avec son père, il en avait grand besoin.

Un petit truc peut-être, ce qui m’a aidé à passer au travers a été de penser qu’il y avait plein de jeunes dans la rue en même temps que lui et que pourtant, le nombre de ceux qui décèdent est quand même petit.  J’ai donc tenté de faire confiance à la vie, de diminuer mes craintes.  Ainsi, j’avais une meilleure capacité à l’écouter.  Je lui disais toujours : « je ne ferai rien qui peut t’encourager dans ces choix ».  Dans les moments les plus difficiles, quand il ne restait que moi ou presque, je lui parlais de l’amour inconditionnel d’une mère et je crois que c’est ce qui l’a gardé en vie.  Quand il me disait sa souffrance, je lui confirmais que je savais sa souffrance sans jamais nier ses peurs même si moi, je n’y croyais pas.

Présentement, bien que toujours un peu inquiète, je partage avec lui de nombreuses heures à chaque semaine, nous discutons franchement ensemble, on sent dans sa voix et il affirme qu’il est beaucoup plus heureux avec la vie qu’il mène aujourd’hui.  Pour un garçon de 25 ans, sa joie de vivre est pour nous comme un baume sur nos plaies.  Il est content de partager du temps avec nous, sachant qu’il se formera un nouveau cercle d’amis et qu’il nous quittera peu à peu.

Espérant que ce que je vous écris là, aidera d’autres parents à garder le courage et à obtenir de l’aide pour tenir le coup, c’est essentiel.
 


From: Lee 
To: Lucie 
Sent: Thursday, May 11, 2006 9:43 PM
Subject: Le pot qu'on disait inoffensif - 7 ans + tard

Bonsoir chère Mère,

C'est toujours un plaisir de lire une correspondance d'une main qui connaît le langage de notre site, celui de l'impuissance.

Codépendance, ce mal qui touche tant de familles et qui détruit tant de coeurs fragiles. Mais à vous lire, je constate que vous avez grandi à travers votre périple dans vos chaussures de mère.

Au début, nous vivons souvent sous notre parapluie de déni. Puis, à force d'embrasser le plancher de notre impuissance, on s'ouvre à notre douleur pour réaliser que notre mal a un nom «la codépendance».

Comme vous avez une belle plume, riche en vécu et en leçons de vie apprises à coups de larmes et de désespoir. C'est lourd et difficile d'être parent et de voir sa progéniture ramper dans la boue. Je sais!

On dit souvent qu'il faut qu'il touche le fond de l'abîme pour changer. À lire le contenu de votre lettre, je crois que votre fils a touché le fond de son abîme. Et j'ai espoir, que le prix qu'il paiera sera moindre car comme récompense il aura (peut-être) la possibilité de changer son fusil de bord et de corriger son tir.

Ce n'est pas tous les consommateurs qui ont la chance d'arrêter le temps et de se regarder dans leur miroir. Trop nombreux sont ceux et celles qui meurent d'avoir trop consommés.

Je suis heureuse de lire que vous avez suivi une thérapie. Quel cadeau précieux que de se permettre d'être écoutée par des gens qui connaissent la couleur de notre détresse. Cet arrêt pour vous guérir et vous comprendre a été votre médicament pour débuter votre propre rétablissement. Trop de parents s'oublient et s'enterrent inutilement.

C'est bon de constater que vous entretenez des liens forts et sincères avec votre fils. Il est bien encadré par tous les membres de la famille. Une denrée rare car trop souvent, ils se retrouvent seul(e)s à lutter contre leur surconsommation.

Je réalise que même si vous marchez à ses côtés, vous conservez une certaine distance. Est-ce que je me trompe? Les aimer avec un détachement d'amour.

Merci de nous avoir écris à nouveau. Certes que votre plume aidera d'autres parents à croire à l'espoir.

Un message qui donne le goût d'avancer et d'enterrer notre trop pour mieux nous rebâtir, pour mieux les aimer dans leur réalité.

Merci et si vous désirez partager, n'hésitez pas.

Lee qui marche à vos côtés
 

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